Depuis plusieurs années, je me considère avant tout comme une peintre de paysages, mais mes œuvres intègrent également d’autres genres : le portrait, l’abstraction et la nature morte. Récemment, j’ai eu envie de pousser plus loin cette fusion des formes afin d’en élargir la portée. Cette démarche a donné lieu à une sorte de compression où le paysage s’est transformé en objet, puis cet objet s’est animé pour devenir un être vivant – humain ou autre. Ainsi, dans ces œuvres, le genre qui frappe d’abord est celui du portrait. Ambigus dans leur forme et leur échelle, ces visages peuvent parfois être des citrouilles, et les corps, des paysages. Les surfaces peintes ont alors une double fonction : dissimuler le corps tout en dévoilant une part du soi véritable.

Ces portraits-paysages conservent des références au monde végétal, animal et minéral. Certains prennent la forme de chevaux, un animal qui était très présent dans mes tableaux au début de ma carrière. Ces chevaux redécouverts se présentent comme des masses terrestres, chaudes et instables, que l’on peut explorer. Historiquement, le cheval a toujours incarné notre désir de puissance et de force. Nous les avons perçus comme des bêtes loyales. Nous les avons contraints à nous porter jusque sur les champs de bataille. Certains chevaux dans mes tableaux sont en partie dissimulés par une armure qui leur couvre les yeux. Il me semble que leur présence physique devient plus forte lorsqu’ils ne nous regardent pas. Le regard de l’animal crée une distance. Sans ce regard, son corps devient plus proche du nôtre, et sa surface se transforme en un paysage que l’on peut parcourir des yeux.

Dans ces œuvres récentes, les figures humaines ou animales sont représentées à peu près à l’échelle réelle. Cela renforce l’impression qu’on se trouve devant une entité vivante. C’est particulièrement évident dans des toiles comme Cheval et Gardiens. Le personnage de Portrait d’une femme est légèrement plus grand que nature. Sa grandeur participe à sa force. Dans Vers le crépuscule, la figure est installée confortablement dans l’angle droit du cadre, se dirigeant vers un objectif invisible mais suggéré par la cible peinte autour de l’œil du cheval. Cette image, comme les autres de la série, provoque un mélange de réconfort et de malaise.

Je me questionne sur la notion de paysage, sur ce que nous faisons à l’environnement et l’effet que cet environnement changeant a sur nous-mêmes. Dans plusieurs toiles présentées ici, le paysage devient un vêtement porté par le sujet. Je souhaite que le spectateur perçoive l’environnement naturel à la fois comme un espace que nous habitons et comme une empreinte gravée en nous. Le paysage est une présence omniprésente dont il est impossible de s’échapper.